124274.fb2 La nuit des temps - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 25

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— Je crois que vous faites quelques petites confusions, mais en tout cas vous avez raison, c’est très passionnant tout ça !... Et vous, monsieur, est-ce que vous trouvez aussi que c’est passionnant ?

— Moi je peux rien dire, monsieur, je suis étranger...

M. et Mme Vignont, leur fils et leur fille mangent des frites à la confiture à la table en demi-lune devant l’écran. C’est une recette de la cuisine nutritionnelle.

— C’est idiot, des questions comme ça, dit la mère. Quoique, si on y pense...

— Ce type, dit la fille, moi, je le refoutrais au frigo. On se débrouille bien sans lui...

— Oh ! quand même !... dit la mère. On peut pas faire ça.

Sa voix est un peu rauque. Elle pense à un certain détail. Et à son mari qui n’est plus tellement... Des souvenirs lui émeuvent le ventre. Une grande détresse lui fait venir les larmes aux yeux. Elle se mouche.

— J’ai encore attrapé la grippe, je crois...

La fille est en paix, de ce côté-là. Elle a des copains aux Arts Déco qui sont peut-être moins bien balancés que le type, mais sur un certain détail ils le valent presque. Enfin, pas tout à fait... Mais eux, ils sont pas gelés !...

— On peut pas le remettre à la glacière, dit le père, après tout l’argent qu’on a dépensé. Ça représente un investissement.

— Il peut crever ! grogne le fils.

Il n’en dit pas plus. Il pense à Eléa toute nue. Il en rêve la nuit, et quand il ne dort pas, c’est pire.

ELEA, avec indifférence, avait accepté que les savants examinent les deux cercles d’or. Brivaux avait essayé d’y trouver un circuit, des connexions, quelque chose. Rien. Les deux cercles avec leurs plaques temporales fixes et la plaque frontale mobile étaient faits d’un métal plein, sans aucune espèce d’appareillage intérieur ou extérieur.

— Faut pas s’y tromper, dit Brivaux, c’est de l’électronique moléculaire. Ce truc-là est aussi compliqué qu’un émetteur et un récepteur TV. Tout est dans les molécules ! C’est formidable ! A mon idée, comment ça fonctionne ? Comme ça : quand tu te mets le bidule autour de la tête, il reçoit les ondes cérébrales de ton cerveau. Il les transforme en ondes électromagnétiques, qu’il émet. Moi, je coiffe l’autre machin. La plaque baissée, il fonctionne en séné inverse. Il reçoit les ondes électromagnétiques que tu m’as envoyées, il les transforme en ondes cérébrales, et il me les injecte dans le cerveau... Tu comprends ? Moi, à mon avis, on devrait pouvoir brancher ça sur la TV...

— Quoi ?

— C’est pas sorcier... Piéger les ondes au moment où elles sont électromagnétiques, les amplifier, les injecter dans un récepteur TV. Ça donnera sûrement quelque chose. Quoi ? Peut-être de la bouillie... Peut-être une surprise... On va essayer. C’est possible ou pas possible. De toute façon, c’est pas difficile.

Brivaux et son équipe travaillèrent à peine la moitié d’un jour. Puis Goncelin, son assistant, coiffa le casque émetteur. Ce fut à mi-chemin entre la surprise et la bouillie. Des images, mais sans suite ni cohésion, parfois sans formes précises, une construction mentale aussi instable que du sable sec dans des mains d’enfant.

— Il ne faut pas essayer de « penser », dit Eléa. Penser c’est très difficile. Les pensées se font et se défont. Qui les fait, qui les défait ? Pas celui qui pense... Il faut se souvenir. Mémoire. La mémoire seulement. Le cerveau enregistre tout, même si les sens n’y font pas attention. Il faut se souvenir. Rappeler une image précise à un instant précis. Et puis laisser faire, le reste suit...

— On va bien voir ! dit Brivaux. Mets ça sur ta petite tête ! dit-il à Odile, la secrétaire du bureau technique, qui sténotypait les péripéties des essais. Ferme les yeux, et souviens-toi de ton premier baiser.

— Oh ! monsieur Brivaux !

— Eh bien quoi, fais pas l’enfant !

Elle avait quarante-cinq ans et ressemblait à un garde mobile à la veille de la retraite. On l’avait choisie parmi d’autres parce qu’elle avait fait des randonnées. Elle était encore cheftaine. Elle n’avait pas peur du mauvais temps.

— Alors, tu y es ?

— Oui ! monsieur Brivaux !

— Allez ! Ferme les yeux ! Souviens-toi !

Il y eut sur l’écran témoin une explosion rouge. Puis plus rien.

— Court-circuit ! dit Goncelin.

— Trop d’émotion, dit Eléa. Il faut rappeler l’image, mais s’oublier... Essayez encore.

Ils essayèrent. Et ils réussirent.

POUR la seconde séance de travail, en plus de Léonova et de Hoover, Brivaux et son assistant Goncelin avaient pris place aux côtés d’Eléa et de Simon.

Brivaux était assis près d’Eléa. Il manipulait un montage compliqué, pas plus grand qu’un cube de margarine et que surmontait un bouquet d’antennes hautes comme le petit doigt et aussi complexes que des antennes d’insectes. Le montage était relié à un pupitre de contrôle placé devant Goncelin. Un câble partait du pupitre vers la cabine de Lanson.

— La troisième guerre a duré une heure, dit Eléa. Puis Enisoraï a eu peur. Nous aussi sans doute. On s’est arrêté. Il y avait 800 millions de morts. Surtout à Enisoraï. La population de Gondawa était moins nombreuse, et bien protégée dans les abris. Mais à la surface de notre continent il ne restait plus rien, et les survivants ne pouvaient pas remonter, à cause des radiations mortelles.

— Des radiations ? Quelles armes avait-on utilisées ?

— Les bombes terrestres.

— Connaissez-vous leur fonctionnement ?

— Non. Coban sait.

— Connaissez-vous leur principe ?

— On les fabriquait avec un métal tiré de la terre et qui brûlait, brisait, et empoisonnait longtemps après le temps de l’explosion.

Voix impersonnelle de la Traductrice :

« J’ai traduit exactement  les mots gonda,  et cela donne bien ‘‘bombe terrestre’’. Cependant, désormais, je remplacerai ce terme par son équivalent ‘‘bombe atomique’’. »

— Je suis née, dit Eléa, dans la 5e Profondeur. Je suis montée à la Surface pour la première fois lorsque j’avais sept ans, au lendemain de ma Désignation. Je ne pouvais pas y monter tant que je n’avais pas reçu ma clé.

Hoover :

— Mais enfin, qu’est-ce que cette sacrée clé ? A quoi vous sert-elle ?

Voix impersonnelle de la Traductrice :

« Je ne peux pas traduire ‘‘sacrée clé’’. Le mot ‘‘sacré’’ pris dans ce sens particulier n’a pas d’équivalent dans le vocabulaire qui m’a été injecté. »

— Cette machine est un vrai pion ! dit Hoover.

La main droite d’Eléa reposait sur la table, les doigts allongés. Lanson braqua la caméra 2 sur la main, zoom tiré à fond, et agrandit encore l’image au pupitre. La petite pyramide apparut sur le grand écran, et l’emplit. Elle était en or, et, à cette échelle, on pouvait voir que sa surface était striée et entaillée de sillons minuscules et de creux de formes irrégulières et parfois étranges.

— La clé est la clé de tout, dit Eléa. Elle est établie à la naissance de chacun. Toutes les clés ont la même forme, mais elles sont aussi différentes que les individus. L’agencement intérieur de leurs...

Voix impersonnelle de la Traductrice :

— Le dernier mot prononcé ne figure pas dans le vocabulaire qui m’a été injecté. Mais j’y trouve la même consonne que...