124274.fb2 La nuit des temps - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 24

La nuit des temps - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 24

— Gondawa !...

Sur le globe que Léonova maintient dans la position qu’Eléa lui a donnée, Gondawa occupe une place à mi-chemin du pôle et de l’équateur, en pleine zone tempérée chaude, presque tropicale !

Voilà qui explique cette flore exubérante, ces oiseaux de feu trouvés dans la glace. Un cataclysme brutal a fait tourner la Terre sur un axe équatorial, bousculant les climats en quelques heures, peut-être en quelques minutes, brûlant ce qui était froid, glaçant ce qui était chaud, et submergeant les continent de masses énormes d’eaux océanes arrachées à leur inertie.

— Enisoraï... Enisoraï... dit Eléa.

Elle cherche sur le globe quelque chose qu’elle ne trouve pas.

— Enisoraï... Enisoraï...

Elle fait tourner le globe entre les mains de Léonova. La grande image du globe tourne sur l’écran.

— Enisoraï, c’est l’Ennemi ! ...

Toute la salle regarde sur le grand écran tourner l’image où Eléa cherche et ne trouve pas.

— Enisoraï... Enisoraï... Ah !...

L’image s’arrête. Les deux Amériques occupent l’écran. Mais le basculement du globe les a mises dans une position étrange. Elles se sont inclinées, celle du nord vers le bas, celle du sud vers le haut.

— Là ! dit Eléa... Là il manque...

Sa main apparaît dans l’image tenant un traceur que lui a donné Simon. Le feutre du traceur se pose à l’extrémité du Canada, passe par Terre-Neuve, laissant derrière lui un large trait rouge qui s’avance jusqu’au milieu de l’Atlantique et va rejoindre, par un dessin accidenté, l’Amérique du Sud à la pointe la plus avancée du Brésil. Puis Eléa couvre de hachures rouges tout l’espace compris entre son trait et les côtes. Comblant l’immense golfe qui sépare les deux Amériques, elle fait de ces dernières un seul continent massif dont le Ventre emplit la moitié de l’Atlantique Nord. Elle laisse tomber le traceur, pose sa main sur la Grande Amérique qu’elle vient de créer, et elle dit :

— Enisoraï...

Léonova a posé le globe. Une houle d’excitation remue de nouveau la salle. Comment une telle brèche a-t-elle pu s’ouvrir dans ce continent ? Est-ce le même cataclysme qui a provoqué l’effondrement de l’Enisoraï central et le basculement de la Terre ?

A toutes ces questions, Eléa répond :

— Je ne sais pas... Coban sait... Coban craignait... C’est pourquoi il a fait construire l’Abri où vous nous avez trouvés...

— Coban craignait quoi ?

— Je ne sais pas... Coban sait... Mais je peux vous montrer...

Elle tend la main vers les objets posés devant elle. Elle choisit un cercle d’or, le prend à deux mains, l’élève au-dessus de sa tête et le coiffe. Deux petites plaques s’appliquent à ses tempes. Une autre recouvre son front au-dessus de ses yeux. Elle prend un deuxième cercle.

— Simon... dit-elle.

Il se tourne vers elle. Elle le coiffe du second cercle, et, d’un geste du pouce, abaisse la plaque frontale, qui vient masquer les yeux du jeune médecin.

— Calme, dit-elle.

Elle pose ses coudes sur la table et met sa tête entre ses mains. Sa plaque frontale est restée relevée. Elle ferme lentement ses paupières sur ses yeux de nuit.

Tous les regards, toutes les caméras sont braqués sur Eléa et Simon assis côte à côte, elle accoudée à sa table, lui droit sur sa chaise, le dos appuyé au dossier, les yeux bouchés par la plaque d’or.

Le silence est tel qu’on entendrait tomber un flocon de neige.

Et tout à coup Simon a un haut-le-corps. On le voit porter ses mains ouvertes devant lui, comme s’il voulait s’assurer de la réalité de quelque chose. Il se dresse lentement, il chuchote quelques mots que la Traductrice répète en chuchotant :

— Je vois !... J’entends...

Il crie :

— JE VOIS !... C’est l’Apocalypse !... Une plaine immense... brûlée vive !... vitrifiée !... Des armées tombent du ciel !... Des armes crachent la mort et les détruisent... Il en tombe encore !... Comme mille nuages de criquets... Ils fouillent le sol !... Ils s’enfoncent !... La plaine s’ouvre ! S’ouvre en deux... d’un bout à l’autre de l’horizon... Le sol se soulève et retombe !... Les armées sont broyées ! Quelque chose sort de terre... Quel... quel... quelque chose d’immense !... Une machine... une machine monstrueuse, une plaine de verre et d’acier... Elle se sépare de la terre, s’élève, s’envole, se développe... s’épanouit... elle emplie le ciel... Ah !... Un visage... un visage me cache le ciel... Il est tout près de moi ! Il se penche sur moi, il me regarde ! C’est un visage d’homme... Ses yeux sont pleins de désespoir...

— Païkan ! gémit Eléa.

Sa tête glisse dans ses mains, son torse s’abat sur la table. La vision disparaît dans le cerveau de Simon.

COBAN sait.

Il sait le meilleur et le pire.

Il sait quelle est cette monstrueuse machine de guerre qui emplissait le ciel.

Il sait comment tirer du néant tout ce qui manque aux hommes.

Coban sait. Mais pourra-t-il dire ce qu’il sait ?

Les médecins ont trouvé des lésions sur presque toute la surface de son torse et de ses bras, beaucoup moins sur le bas du corps. Ils ont pensé se trouver en présence de gelures, l’homme ayant moins bien supporté que la femme le refroidissement. Mais quand ils ont ôté son masque, ils ont découvert une tête tragique dont tous les cheveux, cils et sourcils avaient été brûlés jusqu’au ras de la peau. Ce n’étaient donc pas des traces de gelures qui couvraient son épidémie et son visage, mais de brûlures. Ou peut-être les deux.

Ils ont demandé à Eléa si elle savait comment il avait été brûlé. Elle ne savait pas. Quand elle s’était endormie, Coban était près elle, bien portant et intact...

Les médecins l’ont enveloppé des pieds à la tête dans des pansements antinécrosants, qui doivent empêcher la peau de se détruire lorsqu’elle reprendra sa température normale, et l’aider à se reconstituer.

Coban sait. Il n’est encore qu’une momie froide enveloppée de bandelettes jaunes. Deux tubes souples transparents glissés dans ses narines sortent des pansements. Des fils de toutes couleurs surgissent des spires jaunes à toutes les hauteurs de son corps et le relient aux instruments. Lentement, lentement, les médecins continuent de le réchauffer.

La garde à l’ascenseur a été doublée par un dispositif de piégeage à la trappe d’entrée de la Sphère. Lukos y a disposé deux des mines électroniques qu’il a rapportées de sa mission, et qu’il a perfectionnées. Nul ne peut s’en approcher sans les faire sauter. Pour entrer dans la Sphère, il faut, en arrivant en bas du Puits, se présenter aux hommes qui sont de garde à la sortie de l’ascenseur. Ils téléphonent à l’intérieur où trois médecins et plusieurs infirmiers et techniciens veillent en permanence sur Coban. L’un d’eux abaisse un interrupteur. La lumière rouge clignotante qui signale le piège s’éteint, les mines deviennent inertes comme du plomb. On peut descendre dans la Sphère.

— Coban sait... Pensez-vous que cet homme représente un danger pour l’humanité, ou pensez-vous au contraire qu’il va lui apporter la possibilité de faire de la Terre un nouvel Eden ?

— Moi, l’Eden, hein... on n’y a pas été !... On sait pas si c’était tellement formidable !...

— Et vous, monsieur ?

— Moi, ce type, vous savez, c’est difficile à savoir...

— Et vous, madame ?

— Moi, je trouve que c’est passionnant ! Cet homme et cette femme qui viennent de si loin et qui s’aiment !

— Vous croyez qu’ils s’aiment ?

— Ben, bien sûr !... Elle dit tout le temps son nom !... Balkan ! Balkan !...